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lorsque leur bien-être s’y trouvera intéressé ; il en conclut que pour son bonheur il faut qu’il se conduise en tout tems d’une façon propre à se concilier l’attachement, l’approbation, l’estime & l’assistance des êtres les plus à portée de concourir à ses vues ; il voit que c’est l’homme qui est le plus nécessaire au bien-être de l’homme, que pour le mettre dans ses intérêts il doit lui faire trouver des avantages réels à seconder ses projets ; mais procurer des avantages réels aux êtres de l’espèce humaine c’est avoir de la vertu ; l’homme raisonnable est donc obligé de sentir qu’il est de son intérêt d’être vertueux. La vertu n’est que l’art de se rendre heureux soi-même de la félicité des autres. L’homme vertueux est celui qui communique le bonheur à des êtres capables de le lui rendre, nécessaires à sa conservation, à portée de lui procurer une existence heureuse.

Tel est donc le vrai fondement de toute morale ; le mérite & la vertu sont fondés sur la nature de l’homme, sur ses besoins. Ce n’est que par la vertu qu’il peut se rendre heureux[1]. Sans vertus la société ne peut ni être utile ni subsister ; elle ne peut avoir des avantages réels que lorsqu’elle rassemble des êtres animés du desir de se plaire, & disposés à travailler à leur utilité réciproque ; il n’existe point de douceurs dans les familles si les membres qui les composent ne sont dans l’heureuse volonté de se prêter des secours mutuels, de s’entr’aider à supporter les peines de la vie & d’écarter par des efforts réunis les maux auxquels la nature les assujettit. Le lien

  1. Est autem virtus nihil aliud quam in se perfecta et ad summum perducta natura. Cicero, De Legibus I. Il dit ailleurs virtus rationis absolutio definitur.