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ne ; c’est ainsi que nous admirons la valeur, la générosité, l’amour de la liberté, les grands talens, la vertu, etc. ; nous ne faisons alors qu’approuver les objets dans lesquels les êtres que nous louons ont placé leur bonheur. Nous approuvons leurs dispositions, lors même que nous ne sommes point à portée d’en sentir les effets ; mais dans ce jugement nous ne sommes point désintéressés nous-mêmes ; l’expérience, la réflexion, l’habitude, la raison nous ont donné le goût moral & nous trouvons autant de plaisir à être les témoins d’une action grande & généreuse qu’un homme de goût en trouve à la vue d’un beau tableau dont il n’est point le propriétaire. Celui qui s’est fait une habitude de pratiquer la vertu, est un homme qui a sans cesse devant les yeux l’intérêt qu’il a de mériter l’affection, l’estime & les secours des autres, ainsi que le besoin de s’aimer & de s’estimer lui-même ; rempli de ces idées devenues habituelles en lui, il s’abstient même des crimes cachés qui l’aviliront à ses propres yeux, il ressemble à un homme qui ayant dès l’enfance contracté l’habitude de la propreté, seroit péniblement affecté de se voir souillé lors-même que personne n’en seroit le témoin. L’homme de bien est celui à qui des idées vraies ont montré son intérêt ou son bonheur dans une façon d’agir que les autres sont forcés d’aimer & d’approuver pour leur propre intérêt.

Ces principes, dûment développés, sont la vraie base de la morale ; rien de plus chimérique que celle qui se fonde sur des mobiles imaginaires que l’on a placés hors de la nature, ou sur des sentimens innés, que quelques spéculateurs ont regardés comme antérieurs à toute expérience ; &