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Pour être heureux sans interruption, il faudroit que les forces de notre être fussent infinies ; il faudroit qu’à sa mobilité il joignit une vigueur, une solidité que rien ne pût altérer ; ou il faudroit que les objets qui lui communiquent des mouvemens pussent acquérir ou perdre des qualités, suivant les différens états par lesquels notre machine est forcée de passer successivement ; il faudroit que les essences des êtres changeassent dans la même proportion que nos dispositions, soumises à l’influence continuelle de mille causes qui nous modifient à notre insçu & malgré nous. Si notre machine éprouve à tout instant des changemens plus ou moins marqués, dûs aux différens dégrés de ressort, de pesanteur de sérénité dans l’air ; de chaleur & de fluidité dans notre sang, d’ordre ou d’harmonie entre les différentes parties de notre corps ; si dans chaque instant de notre durée nous n’avons pas la même tension dans les nerfs, le même ressort dans les fibres, la même activité dans l’esprit, la même chaleur dans l’imagination, etc. Il est évident que les mêmes causes, en ne conservant toujours que les mêmes qualités, ne peuvent pas en tout tems nous affecter de la même manière. Voilà pourquoi les objets qui nous plaisoient autrefois, nous déplaisent aujourd’hui ; ces objets n’ont point sensiblement changé ; mais nos organes, nos dispositions, nos idées, nos façons de voir & de sentir ont changé ; telle est la source de notre inconstance.

Si les mêmes objets ne sont pas en état de faire constamment le bonheur d’un même individu, il est aisé de sentir qu’ils peuvent encore bien moins plaire à tous les hommes, ou qu’un même bonheur ne peut leur convenir à tous. Des êtres