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pas : si l’homme n’est libre dans aucun instant de sa vie, il l’est encore bien moins dans l’acte qui la termine[1].

On voit donc que celui qui se tue ne fait pas, comme on prétend, un outrage à la nature, ou, si l’on veut, à son auteur. Il suit l’impulsion de cette nature, en prenant la seule voie qu’elle lui laisse pour sortir de ses peines ; il sort de l’existence par une porte qu’elle lui a laissé ouverte ; il ne peut l’offenser en accomplissant la loi de la nécessité ; la main de fer de celle-ci ayant brisé le ressort qui lui rendoit la vie désirable & qui le poussoit à se conserver, lui montre qu’il doit sortir du rang ou du systême où il se trouve trop mal pour vouloir y rester. La patrie ou la famille n’a point droit de se plaindre d’un membre qu’elle ne peut rendre heureux, & dont elle n’a plus rien à espérer pour elle-même. Pour être utile à sa patrie ou à sa famille il faut que l’homme chérisse sa propre existence, ait intérêt de la conserver, aime les liens qui l’unissent aux autres, soit capable de s’occuper de leur félicité. Enfin pour que le suicide fût puni dans l’autre vie & se repentît de sa démarche précipitée, il faudroit qu’il se survécût à lui-même, & que par-conséquent il portât dans sa demeure future ses organes, ses sens, sa mémoire, ses idées, sa façon actuelle d’exister & de penser.

En un mot, rien de plus utile que d’inspirer aux hommes le mépris de la mort, & de bannir de leurs esprits les fausses idées qu’on leur donne

  1. Le suicide est, dit-on, très-commun en Angleterre, dont le climat porte les habitans à la melancolie. Ceux qui se tuent en ce pays, sont qualifiés de lunatiques ; leur maladie ne parait pas plus blâmable que le transport au cerveau.