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qui est moins attaché aux richesses ; il ne sent point que sans argent la vie n’est plus qu’un supplice continué pour un avare, & que rien dans ce monde ne peut le distraire de sa peine ; il vous dira qu’en sa place il n’en eût pas fait autant ; mais pour être exactement en la place d’un autre homme il faudroit avoir son organisation, son tempérament, ses passions, ses idées ; il faudroit être lui & se placer dans les mêmes circonstances, être mu par les mêmes causes, & dans ce cas tout homme, comme l’avare, se fut ôté la vie, après avoir perdu l’unique source de son bonheur.

Celui qui se prive de la vie ne se porte à cette extrêmité, si contraire à sa tendance naturelle, que lorsque rien au monde n’est capable de le réjouir ou de le distraire de sa douleur. Son malheur, quel qu’il soit, est réel pour lui ; son organisation forte ou foible, est la sienne, & non celle d’un autre ; un malade imaginaire souffre très réellement, & les rêves fâcheux nous mettent très véritablement dans une position incommode. Ainsi dès qu’un homme se tue, nous devons en conclure que la vie, au lieu d’être un bien, est devenue un très grand mal pour lui ; que l’existence a perdu tous ses charmes à ses yeux ; que la nature entière n’a plus rien qui le séduise ; que cette nature est désenchantée pour lui, & que d’après la comparaison que son jugement troublé fait de l’existence avec la non existence ; celle-ci lui paroit préférable à la première.

Bien des personnes ne manqueront pas de regarder comme dangereuses des maximes, qui, contre les préjugés reçus, autorisent les malheureux à trancher le fil de leurs jours : mais ce ne sont point des maximes qui déterminent les hom-