Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/316

Cette page n’a pas encore été corrigée

à nous estimer nous-mêmes ; ne consentons jamais que des vices cachés, que des crimes secrets nous avilissent à nos propres yeux & nous forcent à rougir de nous-mêmes.

Ainsi disposés, envisageons notre trépas avec la même indifférence dont il sera vu du plus grand nombre des hommes ; attendons la mort avec constance, apprenons à nous défaire des vaines terreurs dont on veut nous accabler. Laissons à l’enthousiaste ses espérances vagues ; laissons au superstitieux les craintes dont il nourrit sa mélancolie ; mais que des cœurs raffermis par la raison ne redoutent plus une mort qui détruira tout sentiment.

Quelque soit l’attachement que les hommes ont pour la vie & leur crainte de la mort, nous voyons tous les jours que l’habitude, l’opinion, le préjugé sont assez forts pour anéantir ces passions en nous, pour nous faire braver le danger & hazarder nos jours. L’ambition, l’orgueil, la vanité l’avarice, l’amour, la jalousie, le desir de la gloire, cette déférence pour l’opinion que l’on décore du nom de point d’honneur, suffisent pour fermer nos yeux sur les périls, & pour nous pousser à la mort. Les chagrins, les peines d’esprit, les disgraces, le défaut de succès adoucissent pour nous ses traits si révoltans, & nous la font regarder comme un port qui peut nous mettre à couvert des injustices de nos semblables. L’indigence, le mal-aise, l’adversité nous apprivoisent avec cette mort si terrible pour les heureux. Le pauvre condamné au travail & privé des douceurs de la vie la voit venir avec indifférence ; l’infortuné, quand il est malheureux sans ressour-