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ont consolé des distractions nécessaires ; leur mort fut indifférente au plus grand nombre de leurs concitoyens. Oses-tu te flatter que ton crédit, tes tîtres, tes richesses, tes repas somptueux, tes plaisirs diversifiés fassent de ta mort un événement mémorable ? On en parlera pendant deux jours, & n’en sois point surpris ; apprends qu’il mourut jadis à Babylone, à Sardes, à Carthage & dans Rome, une foule de citoyens plus illustres, plus puissans, plus opulens, plus voluptueux que toi, dont personne pourtant n’a songé à te transmettre les noms. Sois donc vertueux, ô homme ! Dans quelque place que le destin t’assigne, tu seras heureux de ton vivant ; fais du bien & tu seras chéri ; acquiers des talens, & tu seras considéré ; la postérité t’admirera, si ces talens utiles pour elle, lui font connoître le nom sous lequel on désignoit autrefois ton être anéanti. Mais l’univers ne sera point dérangé de t perte ; & lorsque tu mourras ton plus proche voisin sera peut-être dans la joye, tandis que ta femme, tes enfans, tes amis seront occupés du triste soin de te fermer les yeux.

Ne nous occupons donc de notre sort à venir que pour nous rendre utiles à ceux avec qui nous vivons ; rendons-nous pour notre propre bonheur des objets agréables à nos parens, à nos enfans, à nos proches, à nos amis, à nos serviteurs ; rendons-nous estimables aux yeux de nos concitoyens ; servons fidélement une patrie qui nous assûre notre bien-être ; que le desir de plaire à la postérité nous excite à des travaux qui arrachent ses éloges ; qu’un amour légitime de nous-mêmes nous fasse goûter d’avance le charme des louanges que nous voulons mériter ; & lorsque nous en sommes dignes, apprenons à nous aimer,