Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/313

Cette page n’a pas encore été corrigée

noissance pour les plaisirs & les biens qu’il nous procurent. Arrosons de nos pleurs les urnes des Socrates, des Phocions ; lavons avec nos larmes la tache que leur suplice a faite au genre-humain ; expions par nos regrets l’ingratitude athénienne ; apprenons par son exemple à redouter le fanatisme religieux & politique, & craignons de persécuter le mérite & la vertu en persécutant ceux qui combattent nos préjugés.

Répandons des fleurs sur les tombeaux d’Homère, du Tasse, de Milton. Révérons les ombres immortelles de ces génies heureux dont les chants excitent encore dans nos ames les sentimens les plus doux. Bénissons le mémoire de tous ces bienfaiteurs des peuples qui furent les délices du genre-humain ; adorons les vertus des Titus, des Trajans, des Antonins, des Juliens ; méritons dans notre sphère les éloges de l’avenir, & souvenons-nous toujours que pour emporter en mourant les regrets de nos semblables il faut leur montrer des talens & des vertus. Les convois funèbres des monarques les plus puissans sont rarement arrosés par les larmes des peuples, ils les ont communément taries de leur vivant. Les noms des tyrans excitent l’horreur de ceux qui les entendent prononcer. Frémissez donc, rois cruels, qui plongez vos sujets dans la misère & les larmes, qui ravagez les nations, qui changez la terre en un cimetière aride ; frémissez des traits de sang sous lesquels l’histoire irritée vous peindra pour les races futures ; ni vos monumens somptueux, ni vos victoires imposantes, ni vos armées innombrables n’empêcheront la posterité d’insulter vos mânes odieux & de venger ses ayeux de vos éclatants forfais !