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les excès des hommes puissans, souvent très inquiets des jugemens de la postérité, parce qu’ils sçavent qu’elle vengera tôt ou tard les vivans des maux injustes qu’on leur aura fait souffrir.

Nul homme ne peut donc consentir à être totalement effacé du souvenir de ses semblables ; peu d’hommes ont le courage de se mettre au dessus des jugemens du genre-humain futur & de se dégrader à ses yeux. Quel est l’être insensible au plaisir d’arracher des pleurs à ceux qui lui survivent, d’agir encore sur leurs ames, d’occuper leur pensée, d’exercer sur eux son pouvoir du fond même du tombeau ! Imposons donc un silence éternel à ces superstitieux mélancoliques qui ont l’audace de blâmer un sentiment dont il résulte tant d’avantages pour la société ; n’écoutons point ces philosophes indifférens qui veulent que nous étouffions ce grand ressort de nos ames ; ne nous laissons point séduire par les sarcasmes de ces voluptueux, qui méprisent une immortalité vers la quelle ils n’ont point la force de s’acheminer. Le desir de plaire à la postérité & de rendre son nom agréable aux races à venir, est un mobile respectable lorsqu’il fait entreprendre des choses dont l’utilité peut influer sur des hommes & des nations qui n’existent point encore. Ne traitons point d’insensé l’enthousiasme de ces génies vastes & bienfaisans dont les regards perçans nous ont prévus de leur tems, qui se sont occupés de nous, qui ont désiré nos souffrages, qui ont écrit pour nous, qui nous ont enrichis de leurs découvertes, qui nous ont guéris de nos erreurs : rendons leur les hommages qu’ils ont attendus de nous lorsque leurs contemporains injustes les leur ont refusés. Payons au moins à leurs cendres un tribut de recon-