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me inutile meurt tout entier. L’idée que leur nom sera dans la bouche des hommes, la pensée qu’il sera prononcé avec tendresse, qu’il excitera dans les cœurs des sentimens favorables, sont des illusions utiles & propres à flatter ceux-mêmes qui savent qu’il n’en résultera rien pour eux. L’homme se plaît à songer qu’il aura du pouvoir, qu’il sera pour quelque chose dans l’univers, même après le terme de son existence humaine ; il prend part en idée aux actions, aux discours, aux projets des races futures, & seroit très malheureux s’il se croyoit exclus de leur société. Les loix dans presque toutes les nations sont entrées dans ces vues ; elles ont voulu consoler les citoyens de la nécessité de mourir, en leur donnant les moyens d’exercer leurs volontés longtems même après la mort. Cette condescendance va si loin que les morts réglent le sort des vivans souvent pendant une longue suite d’années.

Tout nous prouve dans l’homme le desir de se survivre à lui-même. Les pyramides, les mausolées, les monumens, les épitaphes, tout nous montre qu’il veut prolonger son existence au delà même du trépas. Il n’est point insensible aux jugemens de la postérité ; c’est pour elle que le sçavant écrit, c’est pour l’étonner que le monarque élève des édifices, ce sont ses louanges que le grand homme entend déjà retentir dans son oreille, c’est à son jugement que le citoyen vertueux en appelle de ses contemporains injustes ou prévenus. Heureuse chimere ! Illusion si douce qui se réalise pour les imaginations ardentes, & qui se trouve propre à faire naître & à soutenir l’enthousiasme du génie, le courage, la grandeur d’ame, les talens & qui peut servir quelquefois à contenir