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    Epictete a les mêmes idées dans un passage très digne de remarque rapporté par Arrien ; le voici fidélement traduit. ” Mais ou allez-vous ? Ce ne peut être dans un lieu de souffrances ; vous ne faites que retourner à l’endroit d’où vous êtes venu ; vous allez être de nouveau paisiblement associé avec les élémens d’où vous sortez. Ce qui dans votre composition étoit de la nature du feu, retournera à l’élément du feu ; ce qui étoit de la nature de la terre, va se rejoindre à la terre ; ce qui étoit air, va se réunir à l’air ; ce qui étoit eau, va se serésoudre en eau ; il n’y a point d’Enfer, ni d’Achéron, ni n de Cocyte, ni de Phlégéton.“ V. Arrian. In Epictet. Lib. III. Cap. 13. Dans un autre endroit le même philosophe dit ”l'heure de la mort approche ; mais n'allez pas aggraver vos maux, ni rendre les choses pires qu’elles ne sont ; représentez-vous les fous leur vrai point de vue. Le tems est venu où les matériaux dont vous êtes composé vont se résoudre dans les élémens d’où ils ont été originairement empruntés. Qu’y a-t-il de terrible ou de fâcheux en cela ? Est-il quelque chose dans le monde qui périsse totalement ?“ Vid. Arrian. Lib. IV CAP. 7. §. I.

    Enfin le sage & pieux Antonin dit “ celui qui craint la mort ou craint d’être privé de tout sentiment, ou craint d’éprouver des sensations différentes. Si vous perdez tout sentiment, vous ne serez plus sujet aux peines & à la misere. Si vous êtes pourvu d’autres sens d’une nature différente, vous deviendrez une Créature d’une espèce différente.”

    Ce grand Empereur dit ailleurs qu’il faut attendre la mort avec tranquillité vû qu’elle n’est que la dissolution des élément dont chaque animal est composé. Voyez Les Réflexions Morales de Marc-Antonin LIV. II. §. 17 et Livre VIII. §. 58.

    On peut joindre à ces témoignages de tant de grands hommes de l’antiquité payenne celui de l’auteur de l’Ecclésiaste, qui parle de la mort & du sort de l'ame humaine comme un Epicurien. Unes insteritus est hominis & junentorum, & æquo utrisque conditio : ficut moritur homo, sic & illa moriuntur : fimiliter spirant omnia, & nihil habet home jumento auplius. & Voyez Ecclesiast. Chap. III. vs. 19.

    Enfin comment les Chrétiens peuvent-ils concilier l'utilité ou la nécessité du dogme de l’autre vie, avec le silence profond que le Législateur des Juifs, inspiré par la Divinité, a gardé fur un article que l’on croit si important ?