Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/299

Cette page n’a pas encore été corrigée

ses transports il craindra bien moins encore un avenir éloigné, dont l’idée cédera toujours à ce qu’il jugera nécessaire à son bonheur immédiat & présent. Toute passion vive nous aveugle sur tout ce qui n’est pas son objet ; les terreurs de la vie future, dont nos passions ont toujours le secret de nous diminuer la probabilité, ne peuvent rien sur un méchant qui ne craint point les châtimens bien plus voisins de la loi, & la haine assûrée des êtres qui l’entourent. Tout homme qui se livre au crime ne voit rien de certain que l’avantage qu’il attend du crime, le reste lui paroît toujours faux ou problématique.

Pour peu que nous ouvrions les yeux nous verrons qu’il ne faut pas compter que la crainte d’un dieu vengeur & de ses châtimens, que l’amour propre ne nous montre jamais qu’adoucis par le lointain, puisse rien sur des cœurs endurcis dans le crime. Celui qui est parvenu à se persuader qu’il ne peut être heureux sans le crime, se livrera toujours au crime nonobstant les menaces de la religion : quiconque est assez aveugle pour ne point lire son infamie dans son propre cœur, sa propre condamnation sur les visages des êtres qui l’entourent, l’indignation & la colère dans les yeux des juges établis pour le punir des forfaits qu’il veut commettre, un tel homme, dis-je, ne verra jamais les impressions que ses crimes feront sur le visage d’un juge qu’il ne voit pas, ou qu’il ne voit que loin de lui. Le tyran qui d’un œil sec peut entendre les cris & voir couler les larmes

    de nuire à la société, c’est de les soumettre aux loix de la société & de leur ôter le droit ou le pouvoir d’abuser de ses forces pour l’asservir à leurs propres caprices. Une bonne constitution politique, fondée fur I équité naturelle & une bonne éducation sent les meilleurs freins pour les chefs des Nations.