Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/296

Cette page n’a pas encore été corrigée

tribuent à faire éclore dans tous les cœurs, ne diminuent aucunement le nombre des méchans : dans les nations qui en paroissent le plus fortement convaincues, nous voyons des assassins, des voleurs, des fourbes, des oppresseurs, des adultères, des voluptueux ; tous sont persuadés de la réalité d’une autre vie, mais dans le tourbillon de la dissipation & des plaisirs, dans la fougue de leurs passions ils ne voient plus cet avenir redoutable, qui n’influe nullement sur leur conduite présente.

En un mot dans les pays où le dogme de l’autre vie est si fortement établi que chacun s’irriteroit contre quiconque auroit la témérité de le combattre, ou même d’en douter, nous voyons qu’il est parfaitement incapable d’en imposer à des princes injustes, négligens, débauchés ; à des courtisans avides & déréglés ; à des concussionnaires qui se nourrissent insolemment de la substance des peuples ; à des femmes sans pudeur ; à une foule de crapuleux & de vicieux ; à plusieurs même d’entre ces prêtres dont la fonction est d’annoncer les vengeances du ciel. Si vous leur demandez, pourquoi donc ils ont osé se livrer à des actions, qu’ils savoient propres à leur attirer des châtimens éternels ? Ils vous répondront que la fougue des passions, le torrent de l’habitude, la contagion de l’exemple, ou même que la force des circonstances les ont entraînés, & leur ont fait oublier les conséquences terribles que leur conduite pouvoit avoir pour eux. D’ailleurs ils vous diront que les trésors de la miséricorde divine sont infinis ; & qu’un repentir suffit pour effacer les crimes les plus noirs & les plus accumulés[1]. Dans cette foule de

  1. L’idée de la miséricorde divine rassure les méchans ; & leur fait oublier la Justice divine. En effet ces deux attributs, étant supposés infinis également en Dieu, doivent se contrebalancer de