Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/288

Cette page n’a pas encore été corrigée

soumis à une divinité cruelle qui vouloit leur faire acheter le bien-être futur au prix de tout ce qu’ils ont de plus cher ici bas ; on leur a peint leur dieu comme l’ennemi juré de la race humaine, & on leur a fait entendre que le ciel irrité contre eux vouloit être appaisé & les puniroit éternellement des efforts qu’ils feroient pour se tirer de leurs peines. C’est ainsi que le dogme de la vie future fut une des erreurs les plus fatales dont le genre-humain fut infecté. Ce dogme plongea les nations dans l’engourdissement, dans la langueur, dans l’indifférence sur leur bien-être, ou bien il les précipita dans un enthousiasme furieux, qui les porta souvent à se déchirer elles-mêmes pour mériter le ciel.

On demandera, peut-être, par quelles routes les hommes ont été conduits à se faire les idées si gratuites & si bizarres qu’ils ont de l’autre monde. Je répons qu’il est vrai que nous n’avons point d’idée de l’avenir qui n’existe point pour nous ; ce sont nos idées du passé & du présent qui fournissent à notre imagination les matériaux dont elle se sert pour construire l’édifice des régions futures. nous croyons, dit Hobbes, que ce qui est sera toujours, & que les mêmes causes auront les mêmes effets[1]. L’homme dans son état actuel a deux façons de sentir, l’une qu’il approuve & l’autre qu’il désapprouve ; ainsi persuadé que ces deux façons de sentir devroient le suivre au delà même de son existence présente ; il place dans les régions de l’éternité deux séjours distingués ; l’un fut destiné à la félicité, & l’autre à l’infortune ; l’un devoit renfermer les amis de son dieu, l’autre

  1. Lorsque nous raisonnons par analogie nous fondons toujours nos raisonnemens sur la persuasion souvent très fausse, que ce qui s’est fait déja, se fera encore par la suite ; & nous regardons comme une chose indubitable que ce qui arrivera sera à ce qui est arrivé.