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vers pour nous ? La mort est-elle autre chose qu’un sommeil profond & durable ? C’est faute de pouvoir se faire une idée de la mort que l’homme la redoute ; s’il s’en faisoit une idée vraie, il cesseroit dès-lors de la craindre ; mais il ne peut concevoir un état où l’on ne sent point ; il croit donc que, lorsqu’il n’existera plus, il aura le sentiment & la conscience de ces choses qui lui paroissent aujourd’hui si tristes & si lugubres ; son imagination lui peint son convoi, ce tombeau que l’on creuse pour lui, ces chants lamentables qui l’accompagneront à son dernier séjour ; il se persuade que ces objets hideux, l’affecteront, même après son trépas, aussi péniblement que dans l’état présent où il jouit de ses sens[1].

Mortel égaré par la crainte ! Après ta mort tes yeux ne verront plus, tes oreilles n’entendront plus ; du fond de ton cercueil tu ne seras point le témoin de cette scéne que ton imagination te représente aujourd’hui sous des couleurs si noires ; tu ne prendras pas plus de part à ce qui se fera dans le monde, tu ne seras pas plus occupé de ce qu’on fera de tes restes inanimés, que tu ne pouvois faire la veille du jour qui te plaça parmi les êtres de l’espèce humaine. Mourir, c’est cesser de penser & de sentir, de jouir & de souffrir ; tes idées périront avec toi ; tes peines ne te suivront point dans la tombe. Pense à la mort, non pour alimenter tes craintes & ta mélancolie, mais pour t’accoutumer à l’envisager d’un œil paisible, & pour te rassûrer contre les fausses ter-

  1. Nec videt in verâ nullum fore morte alium SE
    Qui possit vivus sibi SE lugere peremptum,
    Stransque jacentem, nec lacerari uvive dolore.
    Lucretius Lib. III. vers 898. & feqq.