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se trouble, ses oreilles s’endurcissent, ses idées se décousent, sa mémoire disparoît, son imagination s’amortit ; que devient alors son ame ? Hélas ! Elle s’affaisse en même tems que le corps, elle s’engourdit avec lui, elle ne remplit comme lui ses fonctions qu’avec peine, & cette substance, que l’on en avoit voulu distinguer, subit les mêmes révolutions que lui.

Malgré tant de preuves si convaincantes de la matérialité de l’ame ou de son identité avec le corps, des penseurs ont supposé que, quoique celui-ci fut périssable, son ame ne périssoit point ; que cette portion de lui-même jouissoit du privilège spécial, d’être immortelle ou exempte de la dissolution & des changemens de formes que nous voyons subir à tous les corps que la nature a composés : en conséquence on se persuada que cette ame privilégiée ne mourroit point. Son immortalité parut surtout indubitable à ceux qui la supposérent spirituelle : après en avoir fait un être simple inétendu, dépourvu de parties, totalement différent de tout ce que nous connoissons, ils prétendirent qu’elle n’étoit point sujette aux loix que nous trouvons dans tous les êtres, dont l’expérience nous montre la décomposition continuelle.

Les hommes sentant en eux-mêmes une force cachée qui dirigeoit & produisoit d’une façon invisible les mouvemens de leurs machines, crurent que la nature entière, dont ils ignoroient l’énergie & la façon d’agir, devoit ses mouvemens à un agent analogue à leur ame, qui agissoit sur la grande machine comme leur ame sur leur corps. L’homme s’étant supposé double, fit aussi la natu-