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dre un instant de notre destinée ; nous ne connoissons point ce qui se passe en nous, les causes qui agissent dans notre intérieur, ni les circonstances qui les mettront en action & qui développeront leur énergie ; c’est cependant de ces causes impossibles à démêler que dépend notre destinée pour la vie. Souvent une rencontre imprévue fait éclore dans notre ame une passion dont les suites influeront nécessairement sur notre félicité. C’est ainsi que l’homme le plus vertueux peut, par la combinaison bizarre de circonstances inopinées, devenir en un instant l’homme le plus criminel.

On trouvera, sans doute, cette vérité effrayante & terrible. Mais au fond qu’a-t-elle de plus révoltant que celle qui nous apprend que cette vie, à laquelle nous sommes si fortement attachés, peut se perdre à chaque instant par une infinité d’accidens aussi irremédiables qu’imprévus ? Le fatalisme résout facilement l’homme de bien à mourir, il lui fait envisager la mort comme un moyen sûr de se soustraire à la méchanceté ; ce systême montrera cette mort à l’homme heureux lui-même comme un moyen d’échapper au malheur qui finit souvent par empoisonner la vie la plus fortunée.

Soumettons-nous donc à la nécessité ; malgré nous, elle nous entraînera toujours ; résignons-nous à la nature ; acceptons les biens qu’elle nous présente, opposons aux maux nécessaires qu’elle nous fait éprouver les remèdes nécessaires qu’elle consent à nous accorder. Ne troublons point notre esprit par des inquiétudes inutiles ; jouissons avec mesure, parce que la douleur est la