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ces hommes que d’après leurs actions nous appellons puissans, nous trouverions que ce sont des vrais atômes qui sont les leviers secrets dont la nature se sert pour mouvoir le monde moral ; c’est la rencontre inopinée, & pourtant nécessaire, de ces molécules indiscernables à la vue, c’est leur aggrégation, leur combinaison, leur proportion, leur fermentation, qui modifiant l’homme peu-à-peu, souvent à son insçu & malgré lui, le font penser, vouloir, agir d’une façon déterminée & nécessaire ; si ses volontés & ses actions influent sur beaucoup d’autres hommes, voilà le monde moral dans la plus grande combustion. Trop d’ âcreté dans la bile d’un fanatique, un sang trop enflammé dans le cœur d’un conquérant, une digestion pénible dans l’estomac d’un monarque, une fantaisie qui passe dans l’esprit d’une femme, sont des causes suffisantes pour faire entreprendre des guerres, pour envoyer des millions d’hommes à la boucherie, pour renverser des murailles, pour réduire des villes en cendres, pour plonger des nations dans le deuil & la misère, pour faire éclore la famine & la contagion, pour propager la désolation & les calamités pendant une longue suite de siécles à la surface de notre globe.

La passion d’un seul individu de notre espèce, quand il dispose des passions d’un grand nombre d’autres, parvient à combiner & réunir leurs volontés & leurs efforts, & décide ainsi du sort des habitans de la terre. C’est ainsi qu’un arabe ambitieux, fourbe, voluptueux donne à ses compatriotes une impulsion dont l’effet est de subjuguer ou désoler de vastes contrées dans l’Asie, dans l’Afrique & dans l’Europe, & de changer le