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mort étoit moins fréquent, même sans être accompagné de douleurs, il en seroit plus imposant[1].

Que dirons-nous de l’injuste cruauté de quelques nations, où les loix qui devroient être faites pour l’avantage de tous, ne semblent avoir pour objet que la sûreté particulière des plus forts, & où des châtimens peu proportionnés aux crimes ôtent impitoyablement la vie à des hommes que la plus urgente nécessité a forcé d’être coupables ? C’est ainsi que dans la plûpart des nations policées la vie d’un citoyen est mise dans la même balance que de l’argent ; le malheureux qui périt de faim & de misére est mis à mort pour avoir enlevé quelque portion chétive du superflu d’un autre, qu’il voit nager dans l’abondance ! C’est là ce que dans des sociétés éclairées l’on appelle justice, ou proportionner le châtiment au crime.

Cette affreuse iniquité ne devient-elle pas plus criante encore, quand les loix & les usages décernent des peines cruelles contre les crimes que les mauvaises institutions font germer & multiplier ? Les hommes, comme on ne peut assez le

  1. La plupart des criminels n’envisagent la mort que comme un mauvais quart d’heure. Un voleur voyant un de ses camarades qui montroit peu de fermeté au milieu du supplice, lui dit est-ce que je ne t’ai pas dit que dans notre métier nous avions une maladie de plus que le reste des hommes ? On vole tous les jours au pied même des échafauts où l’on punit les coupables. Dans les nations où l’on inflige si légerement la peine de mort, a-t-on bien fait attention que l’on privoit la société tous les ans d’un grand nombre d’hommes qui pourroient par leurs travaux forcés lui rendre des services utiles, & la dédommager ainsi du mal qu’ils lui ont fait ? La facilité avec laquelle on ôte la vie aux hommes prouve la tyrannie & l’incapacité de la plupart des Législateurs, ils trouvent bien plus court de détruire des citoyens que de chercher les moyens de les rendre meilleurs.