Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/242

Cette page n’a pas encore été corrigée

rien à l’état des choses, & n’est point propre à confondre les idées de vice & de vertu[1].

Les loix ne sont faites que pour maintenir la société & pour empêcher les hommes associés de se nuire ; elles peuvent donc punir ceux qui la troublent ou qui commettent des actions nuisibles à leurs semblables ; soit que ces associés soient des agens nécessités soit qu’ils agissent librement, il leur suffit de sçavoir que ces agens peuvent être modifiés. Les loix pénales sont des motifs que l’expérience nous montre comme capables de contenir ou d’anéantir les impulsions que les passions donnent aux volontés des hommes ; de quelque cause nécessaire que ces passions leur viennent, le législateur se propose d’en arrêter l’effet ; & quand il s’y prend d’une façon convenable, il est sûr du succès. En décernant des gibets, des supplices, des châtimens quelconques aux crimes : il ne fait autre chose que ce que fait celui qui, en bâtissant une maison, y place des goutières pour empêcher les eaux de la pluie de dégrader les fondemens de sa demeure.

Quelque soit la cause qui fait agir les hommes, on est en droit d’arrêter les effets de leurs actions, de même que celui dont un fleuve pourroit entraîner le champ, est en droit de contenir ses eaux par une digue, ou même s’il le peut, de détourner son cours. C’est en vertu de ce droit que la société

  1. Notre nature se révolte toujours contre ce qui la contrarie & il y a des hommes si coleres qu’ils se mettent en fureur même contre des objets insensibles & inanimés. Mais la réflexion de l’impuissance où nous sommes de les modifier devroit nous ramener à la raison. Les parens ont souvent grand tort de punir leurs enfans avec colere, ce font des êtres qui ne sont point encore modifiés, ou qu’ils ont tres-mal modifiés eux-mêmes. Rien de plus commun dans la vie que de voir les hommes punir des fautes dont ils sont eux-mêmes les causes.