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ses, ni même de se fâcher contre eux ; qu’on ne peut leur rien imputer ; que les loix seroient injustes si elles décernoient des peines contr’eux ; en un mot que l’homme, dans ce cas, ne peut ni mériter ni démériter. Je réponds qu’imputer une action à quelqu’un, c’est la lui attribuer, c’est l’en connoître pour l’auteur ; ainsi quand même on supposeroit que cette action fût l’effet d’un agent nécessité, l’imputation peut avoir lieu. Le mérite ou le démérite que nous attribuons à une action sont des idées fondées sur les effets favorables ou pernicieux qui en résultent pour ceux qui les éprouvent ; & quand on supposeroit que l’agent étoit nécessité, il n’en est pas moins certain que son action sera bonne ou mauvaise, estimable ou méprisable pour tous ceux qui en sentiront les influences, enfin propre à exciter leur amour ou leur colere. L’amour ou la colere sont en nous des façons d’être propres à modifier les êtres de notre espece : lorsque je m’irrite contre quelqu’un, je prétends exciter en lui la crainte, & le détourner de ce qui me déplait, ou même l’en punir. D’ailleurs ma colere est nécessaire, elle est une suite de ma nature & de mon tempérament. La sensation pénible que produit en moi la pierre qui tombe sur mon bras n’en est pas moins une sensation qui me déplait, quoiqu’elle parte d’une cause privée de volonté & qui agit par la nécessité de sa nature. En regardant les hommes comme agissans nécessairement, nous ne pouvons nous dispenser de distinguer en eux une façon d’être & d’agir qui nous convient, ou que nous sommes forcés d’approuver, d’une façon d’être & d’agir qui nous afflige & nous irrite, que notre nature nous force de blâmer & d’empêcher. D’où l’on voit que le systême du fatalisme ne change