Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/231

Cette page n’a pas encore été corrigée

que raisonnable devroit employer, ne sont-elles pas elles-mêmes fondées sur l’idée des effets que ces chimeres doivent nécessairement produire sur des hommes ignorans, craintifs, avides du merveilleux. Enfin cette divinité bienfaisante qui appelle ses créatures à l’existence ne les force-t-elle pas à leur insçu & malgré elles de jouer un jeu, d’où peut résulter leur bonheur ou leur malheur éternel [1] ?

L’éducation n’est donc que la nécessité montrée à des enfans. La législation est la nécessité montrée aux membres d’un corps politique. La morale est la nécessité des rapports qui subsistent entre les hommes, montrée à des êtres raisonnables. Enfin la religion est la loi d’un être nécessaire ou la nécessité montrée à des hommes ignorans & pusillanimes. En un mot dans tout ce qu’ils font les hommes supposent la nécessité quand ils croient avoir pour eux des expériences sûres, & la probabilité quand ils ne connoissent point la liaison nécessaire des causes avec leurs effets ; ils n’agiroient point comme ils font, s’ils n’étoient convaincus,

  1. Toute religion est visiblement & incontestablement fondée sur le fatalisme ; chez les Grecs elle supposoit que les hommes étoient punis de leurs fautes nécessaires, comme on peut voir dans Oreste, dans Œdipee &c. qui ne commettoient que des crimes prédits par les oracles. Les Chrétiens ont fait de vains efforts pour justifier la divinité en rejettant les fautes des hommes sur le libre arbitre, qui ne peut se concilier avec la prédestination, dogme par lequel les Chrétiens rentrent dans le systeme de la fatalité. Le systeme de la grâce ne peut point les tirer de cette difficulté, vu que Dieu ne donne la grâce qu’à qui il veut. La religion en tout pays n’a d’autres fondemens que les décrets fatals d’un être irrésistible qui décide arbitrairement du destin de ses créatures. Toutes les hypothèses théologiques roulent sur ce point, & les théologiens, qui regardent le systeme du fatalisme comme faux ou dangereux, ne voient pas que la chute des Anges, le péché originel, le systeme de la prédestination & de la grace, le petit nombre des élus, &c prouvent invinciblement que la religion est un vrai fatalisme.