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morale seroit une chimere & n’auroit point de principes sûrs si elle ne se fondoit sur la connoissance des motifs qui doivent nécessairement influer sur les volontés humaines & déterminer leurs actions.

Si dans le monde moral, ainsi que dans le monde physique, une cause, dont l’action n’est point troublée, est nécessairement suivie de son effet, une éducation raisonnable & fondée sur la vérité des loix sages, des principes honnêtes inspirés dans la jeunesse, des exemples vertueux, l’estime & les récompenses accordées au mérite & aux belles actions, la honte, le mépris, les châtimens rigoureusement attachés au vice & au crime, sont des causes qui agiroient nécessairement sur les volontés des hommes, qui détermineroient le plus grand nombre d’entre eux à montrer des vertus. Mais si la religion, la politique, l’exemple, l’opinion publique travaillent à rendre les hommes méchans & vicieux ; s’ils étouffent & rendent inutiles les bons principes que leur éducation leur a donnés ; si cette éducation elle-même ne sert qu’à se remplir de vices, de préjugés, d’opinions fausses & dangereuses ; si elle n’allume en eux que des passions incommodes pour eux-mêmes & pour les autres, il faudra de toute nécessité que les volontés du plus grand nombre se déterminent au mal[1]. Voilà, sans doute,

  1. Bien des auteurs ont senti l’importance d’une bonne éducation, mais ils n’ont point senti qu’une bonne éducation étoit incompatible & totalement impossible avec les superstitions des hommes, qui commencent par leur rendre l’esprit faux ; avec les Gouvernemens arbitraires, qui les rendent vils & rampans, & qui craignent qu’on ne les éclaire ; avec les Loix, qui trop souvent sont contraires à l’Equité ; avec les usages reçus, qui sont Contraires au bon sens ; avec l’opinion publique défavorable à la vertu ; avec l’incapacité des maîtres, qui ne sont en état de communiquer à leurs éleves que les idées fausses dont ils sont eux-mêmes infectés.