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corps poursuivra son mouvement ou continuera de tomber ; dira-t-on que ce corps est libre de tomber ? Sa chûte n’est-elle pas un effet nécessaire de sa pesanteur spécifique ? Socrate, homme vertueux & soumis aux loix, même injustes, de sa patrie, ne veut pas se sauver de sa prison dont la porte lui est ouverte, mais en cela il n’agit point librement ; les chaînes invisibles de l’opinion, de la décence, du respect pour les loix, lors-même qu’elles sont iniques, la crainte de ternir sa gloire, le retiennent dans sa prison & sont des motifs assez forts sur cet enthousiaste de la vertu pour lui faire attendre la mort avec tranquillité ; il n’est point en son pouvoir de se sauver, parce qu’il ne peut se résoudre à se démentir un instant dans les principes auxquels son esprit s’est accoutumé.

Les hommes, nous dit-on, agissent souvent contre leur inclination, d’où l’on conclud qu’ils sont libres ; cette conséquence est très fausse ; lorsqu’ils semblent agir contre leur inclination, ils y sont déterminés par quelques motifs nécessaires assez forts pour vaincre leurs inclinations. Un malade dans la vue de guérir parvient à vaincre sa répugnance pour les remèdes les plus dégoutans ; la crainte de la douleur ou de la mort devient alors un motif nécessaire ; par conséquent ce malade n’agit point librement.

Quand nous disons que l’homme n’est point libre nous ne prétendons point le comparer à un corps simplement mû par une cause impulsive ; il renferme en lui-même des causes inhérentes à son être, il est mû par un organe intérieur qui a ses loix propres & qui est déterminé nécessairement