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que vos yeux portés sans dessein sur un objet quelconque ne vous donnent l’idée de cet objet & ne remuent votre cerveau ? Vous n’êtes pas plus maître des obstacles ; ils sont des effets nécessaires des causes existentes soit au dedans soit hors de vous, ces causes agissent toujours en raison de leurs propriétés. Un homme insulte un lâche, celui-ci s’irrite nécessairement contre lui, mais sa volonté ne peut vaincre l’obstacle que sa lâcheté met à l’accomplissement de ses désirs, parce que sa conformation naturelle, qui ne dépend point de lui, l’empêche d’avoir du courage. Dans ce cas le lâche est insulté malgré lui, & forcé malgré lui de dévorer l’insulte qui lui est faite.

Les partisans du systême de la liberté paroissent avoir toujours confondu la contrainte avec la nécessité. Nous croyons agir librement toutes les fois que nous ne voyons pas que rien mette obstacle à nos actions ; nous ne sentons pas que le motif qui nous fait vouloir est toujours nécessaire & indépendant de nous. Un prisonnier chargé de fers est contraint de rester en prison, mais il n’est pas libre de ne pas désirer de se sauver ; ses chaînes l’empêchent d’agir, mais ne l’empêchent pas de vouloir ; il se sauvera, si l’on brise ses chaînes ; mais il ne se sauvera point librement ; la crainte ou l’idée du supplice sont pour lui des motifs nécessaires.

L’homme peut donc cesser d’être contraint sans être libre pour cela ; de quelque façon qu’il agisse il agit nécessairement d’après les motifs qui le déterminent. Il peut être comparé à un corps pesant, qui se trouve arrêté dans sa chûte par un obstacle quelconque ; écartez cet obstacle, & le