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Nos façons de penser sont nécessairement déterminées par nos façons d’être ; elles dépendent donc de notre organisation naturelle & des modifications que notre machine reçoit indépendamment de notre volonté. D’où nous sommes forcés de conclure que nos pensées, nos réflexions, notre maniere de voir, de sentir, de juger, de combiner des idées ne peuvent être ni volontaires ni libres. En un mot notre ame n’est point maîtresse des mouvemens qui s’excitent en elle, ni de se représenter au besoin les images ou les idées qui pourroient contrebalancer les impulsions qu’elle reçoit d’ailleurs. Voilà pourquoi dans la passion l’on cesse de raisonner ; la raison est aussi impossible à écouter que dans le transport ou dans l’ivresse. Les méchans ne sont jamais que des hommes ivres ou en délire ; s’ils raisonnent, ce n’est que quand la tranquillité s’est rétablie dans leur machine, & pour lors les idées tardives qui se présentent à leur esprit leur laissent voir les conséquences de leurs actions, idée qui porte en eux le trouble que l’on a désigné sous le nom de honte, de regrets, de remords.

Les erreurs des philosophes sur la liberté de l’homme, viennent de ce qu’ils ont regardé sa volonté comme le premier mobile de ses actions, & que, faute de remonter plus haut, ils n’ont point vu les causes multipliées & compliquées indépendantes de lui qui mettent cette volonté elle-même en mouvement, ou qui disposent & modifient le cerveau, tandis qu’il est purement passif dans les impressions qu’il reçoit. Suis-je le maître de ne point désirer un objet qui me paroit désirable ? Non, sans doute, direz-vous ; mais vous êtes le maître de résister à votre désir, si