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réſerve à des hommes comme lui, que ſes préjugés lui firent regarder comme des êtres d’un ordre ſupérieur, comme des Dieux ſur la terre ; ceux-ci profitèrent de ſon erreur pour l’aſſervir, le corrompre, le rendre vicieux & miſérable. Ainſi c’eſt pour avoir ignoré ſa propre nature que le genre humain tomba dans la ſervitude, & fut mal gouverné.

C’est pour s’être méconnu lui-même & pour avoir ignoré les rapports néceſſaires qui ſubſistent entre lui & les êtres de ſon eſpèce, que l’homme a méconnu ſes devoirs envers les autres; il ne ſentit point qu’ils étoient néceſſaires à ſa propre félicité. Il ne vit pas plus ce qu’il ſe devoit à lui même, les excès qu’il devoit éviter pour ſe rendre ſolidement heureux, les paſſions auxquelles il devoit réſister ou ſe livrer pour ſon propre bonheur ; en un mot il ne connut point ſes véritables intérêts. De là tous ſes déréglemens, ſon intempérance, ſes voluptés honteuſes, & tous les vices auxquels il ſe livra aux dépens de ſa conſervation propre & de ſon bien être durable. Ainſi c’eſt l’ignorance de la nature humaine qui empêcha l’homme de s’éclairer ſur la morale; d’ailleurs les gouvernemens dépravés auxquels il fut ſoumis l’empecherent toujours de la pratiquer quand même il l’auroit connue.

C’est encore faute d’étudier la nature & ſes loix, de chercher à découvrir ſes reſſources & ſes propriétés que l’homme croupit dans l’ignorance, ou fait des pas ſi lents & ſi incertains pour améliorer ſon ſort. Sa pareſſe trouve ſon compte à ſe laiſſer guider par l’exemple, par la routine, par l’autorité plutôt que par l’expérience, qui deman-