Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/206

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’état où je suis ? On conviendra, sans doute, qu’il m’est impossible de ne point vouloir le satisfaire ; mais l’on me dira que si l’on m’annonce en ce moment que l’eau que je desire est empoisonnée, malgré ma soif je ne laisserai pas de m’en abstenir, & l’on en conclura faussement que je suis libre. En effet de même que la soif me déterminoit nécessairement à boire avant que de sçavoir que cette eau fût empoisonnée, de même cette nouvelle découverte me détermine nécessairement à ne pas boire ; alors le desir de me conserver anéantit ou suspend l’impulsion primitive que la soif donnoit à ma volonté ; ce second motif devient plus fort que le premier, la crainte de la mort l’emporte nécessairement sur la sensation pénible que la soif me faisoit éprouver. Mais, direz-vous, si la soif est bien ardente, sans avoir égard au danger, un imprudent pourra risquer de boire cette eau ; dans ce cas la première impulsion reprendra le dessus & le fera agir nécessairement, vû qu’elle se trouvera plus forte que la seconde. Cependant dans l’un & l’autre cas, soit que l’on boive de cette eau soit qu’on n’en boive pas, ces deux actions seront également nécessaires, elles seront des effets du motif qui se trouvera le plus puissant & qui agira le plus fortement sur la volonté.

Cet exemple peut servir à expliquer tous les phénomènes de la volonté. La volonté, ou plutôt le cerveau, se trouve alors dans le même cas qu’une boule, qui, quoiqu’elle ait reçu une impulsion qui la poussoit en droite ligne, est dérangée de sa direction dès qu’une force plus grande que la première l’oblige à en changer. Celui qui boit de l’eau qu’on lui dit empoisonnée nous paroit un insensé, mais les actions des insensés sont