Page:Holbach - Système de la nature, 1770, tome 1.djvu/197

Cette page n’a pas encore été corrigée

penser, ni associer des idées, ni imaginer ou rêver de la même façon que le nôtre ?

La diversité des tempéramens des hommes est la source naturelle & nécessaire de la diversité de leurs passions, de leurs goûts, de leurs idées de bonheur, de leurs opinions en tout genre. Ainsi cette même diversité sera la source fatale de leurs disputes, de leurs haines & de leurs injustices toutes les fois qu’ils raisonneront sur des objets inconnus, auxquels ils attacheront la plus grande importance. Jamais ils ne s’entendront en parlant ni d’une ame spirituelle, ni d’un dieu immatériel distingué de la nature ; ils cesseront dès-lors de parler la même langue, & jamais ils n’attacheront les mêmes idées aux mêmes mots. Quelle sera la mesure commune pour décider quel est celui qui pense avec le plus de justesse, dont l’imagination est la mieux réglée, dont les connoissances sont les plus sûres, lorsqu’il s’agit d’objets que l’expérience ne peut examiner, qui échappent à tous nos sens, qui n’ont point de modeles & qui sont au dessus de la raison ? Chaque homme, chaque législateur, chaque spéculateur, chaque peuple se sont toujours formé des idées diverses de ces choses, & chacun a cru que ses rêveries propres devoient être préférées à celles des autres, qui lui ont paru aussi absurdes, aussi ridicules, aussi fausses que les siennes leur pouvoient paroître. Chacun tient à ses opinions parce que chacun tient à sa propre façon d’être, & croit que son bonheur dépend de son attachement à ses préjugés, qu’il n’adopte jamais que parce qu’il les croit utiles à son bien-être. Proposez à un homme fait de changer sa religion pour la vôtre, il croira que vous êtes un insensé ; vous ne ferez qu’ex-