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tions informes que les hommes se feront toujours sur la divinité ; ils l’anéantissent eux-mêmes à force de rassembler en elle des qualités incompatibles & des attributs contradictoires[1]. En lui donnant des qualités morales & connues, ils en font un homme ; en lui assignant les attributs négatifs de la théologie, ils en font une chimere ; ils détruisent toutes les idées antécédentes, ils en font un pur néant. D’où l’on voit que les sciences sublimes que l’on nomme théologie, psychologie, métaphysique deviennent de pures sciences de mots ; la morale & la politique, que trop souvent elles infectent, deviennent pour nous des énigmes inexplicables dont il n’y a que l’étude de la nature qui puisse nous tirer.

Les hommes ont besoin de la vérité ; elle consiste à connoitre les vrais rapports qu’ils ont avec les choses qui peuvent influer sur leur bien-être : ces rapports ne sont connus qu’à l’aide de l’expérience ; sans expérience il n’est point de raison ; sans raison nous ne sommes que des aveugles qui se conduisent au hazard. Mais comment acquérir de l’expérience sur des objets idéaux que jamais nos sens ne peuvent ni connoitre ni examiner ? Comment nous assûrer de l’existence & des qualités d’êtres que nous ne pouvons sentir ? Comment juger si ces objets nous sont favorables ou nuisibles ? Comment sçavoir ce que nous devons aimer ou haïr, chercher ou fuir, éviter ou faire ? C’est pourtant de ces connoissances que notre sort dépend dans ce monde, le seul dont nous ayons idée ; c’est sur ces connoissances que toute morale est fondée. D’où l’on voit qu’en faisant intervenir dans la morale ou dans la science des rapports

  1. Voyez partie II. Chap. 4.