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de durée, d’ espace, d’ immensité, d’ infinité, de perfection, de vertu, de raison, de sentiment, d’ instinct & de goût, etc. Sans qu’ils puissent nous dire précisément ce qu’ils entendent par ces mots. Cependant les mots ne semblent inventés que pour être les images des choses, ou pour peindre à l’aide des sens, des objets connus que l’esprit puisse juger, apprécier, comparer & méditer.

Penser à des objets qui n’ont agi sur aucuns de nos sens, c’est penser à des mots, c’est rêver à des sens ; c’est chercher dans son imagination des objets auxquels on puisse les attacher. Assigner des qualités à ces mêmes objets, c’est, sans doute, redoubler d’extravagance. Le mot dieu est destiné à me représenter un objet qui ne peut agir sur aucun de mes organes, & dont par-conséquent il m’est impossible de constater ni l’existence ni les qualités : cependant pour suppléer aux idées qui me manquent, mon imagination, à force de se creuser, composera un tableau quelconque, avec les idées ou couleurs qu’elle est toujours forcée d’emprunter des objets que je connois par mes sens. En conséquence je me peindrai ce dieu sous les traits d’un vieillard vénérable, ou sous ceux d’un monarque puissant, ou sous ceux d’un homme irrité, etc. L’on voit que c’est évidemment l’homme & quelques-unes de ses qualités qui ont servi de modele à ce tableau. Mais si l’on me dit que ce dieu est un pur esprit, qu’il n’a point de corps, qu’il n’a point d’étendue, qu’il n’est point contenu dans l’espace, qu’il est hors de la nature qu’il meut, etc. Me voilà replongé dans le néant, mon esprit ne sçait plus sur quoi il médite, il n’a plus aucune idée. Voilà, comme nous le verrons par la suite la source des no-