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hommes qui produisent des effets connus, différens de ceux qui partent d’autres dispositions contraires ? Qu’est-ce que les mots douleur & plaisir offrent à mon esprit au moment où mes organes ne souffrent ni ne jouissent, sinon des façons d’être dont j’ai été affecté, dont mon cerveau conserve la réminiscence ou l’impression & que l’expérience m’a montré comme utiles ou nuisibles ? Mais quand j’entends prononcer les mots spiritualité, immatérialité, incorporéité, divinité, etc. Ni mes sens, ni ma mémoire ne me sont d’aucun secours ; ils ne me fournissent aucun moyen d’avoir idée de ces qualités ni des objets auxquels je dois les appliquer ; dans ce qui n’est point matiere, je ne vois que le néant & le vuide, qui ne peut être susceptible d’aucunes qualités.

Toutes les erreurs & les disputes des hommes viennent de ce qu’ils ont renoncé à l’expérience & au témoignage de leurs sens, pour se laisser guider par des notions, qu’ils ont cru infuses ou innées, quoiqu’elles ne fussent réellement que les effets d’une imagination troublée, des préjugés dont leur enfance s’est imbue, avec lesquels l’habitude les a familiarisés, & que l’autorité les a forcés de conserver. Les langues se sont remplies de mots abstraits auxquels l’on attache des idées vagues & confuses, & dont, quand on veut les examiner, l’on ne trouve aucun modele dans la nature ni d’objets auxquels on puisse les attacher. Quand on se donne la peine d’analyser les choses, on est tout surpris de voir que les mots qui sont continuellement dans la bouche des hommes, ne présentent jamais une idée fixe & déterminée : nous les voyons sans cesse parler d’ esprits, d’ ame & de ses facultés, de divinité & de ses attributs