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avant d’être convaincu que le tout est plus grand que sa partie. L’homme n’apporte point en naissant l’idée que deux & deux font quatre, mais il en est très promptement convaincu. Il faut avoir comparé avant de porter aucun jugement quelconque.

Il est évident que ceux qui ont supposé des idées innées ou des notions inhérentes à notre être, ont confondu l’organisation de l’homme ou ses dispositions naturelles avec l’habitude qui le modifie, & le plus ou le moins d’aptitude qu’il a pour faire des expériences & pour les appliquer dans ses jugemens. Un homme qui a du goût en peinture a sans doute apporté en naissant des yeux plus fins & plus pénétrans qu’un autre ; mais ces yeux ne le feront point juger avec promptitude s’il n’a point eu occasion de les exercer ; bien plus, à quelques égards les dispositions que nous nommons naturelles ne peuvent être-elles-mêmes regardées comme innées. L’homme n’est point à vingt ans le même qu’il étoit en venant au monde ; les causes physiques qui agissent continuellement sur lui influent nécessairement sur son organisation & font que ses dispositions naturelles ne sont point elles-mêmes dans un tems ce qu’elles étoient dans un autre[1]. Nous voyons tous les jours des enfans montrer jusqu’à un certain âge beaucoup d’esprit, d’aptitude aux sciences, & finir par tomber dans la stupidité. Nous en voyons d’autres qui après avoir montré dans

  1. Nous pensons, dit la Motte le Vayer, bien autrement des choses en un tems qu’en un autre ; jeunes que vieux ; affamés que rassasiés ; de nuit que de jour ; fâchés que joyeux. Variants ainsi à toute heure par mille autres circonstances qui nous tiennent en une perpétuelle inconstance & instabilité. Voyez le banquet sceptique pag. 17.