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l’expérience & la vie ſociale mettent à portée de tirer parti de la nature pour ſon propre bonheur. L’Homme de bien éclairé eſt l’homme dans ſa maturité ou dans ſa perfection [1]. L’homme heureux eſt celui qui ſçait jouir des bienfaits de la nature ; l’homme malheureux eſt celui qui ſe trouve dans l’incapacité de profiter de ſes bienfaits.

C’est donc à la phyſique & à l’expérience que l’homme doit recourir dans toutes ſes recherches : ce ſont elles qu’il doit conſulter dans ſa religion, dans ſa morale, dans ſa légiſlation, dans ſon gouvernement politique, dans les ſciences & dans les arts, dans ſes plaiſirs, dans ſes peines. La nature agit par des loix ſimples, uniformes, invariables que l’expérience nous met à portée de connoître; c’eſt par nos ſens que nous ſommes liés à la nature univerſelle, c’eſt par nos ſens que nous pouvons la mettre en expérience & découvrir ſes ſecrets ; dès que nous quittons l’expérience nous tombons dans le vuide où notre imagination nous égare.

Toutes les erreurs des hommes ſont des erreurs de phyſique ; ils ne ſe trompent jamais que lorſqu’ils négligent de remonter à la nature, de conſulter ſes regles, d’appeller l’expérience à leur ſecours. C’eſt ainſi que faute d’expériences ils ſe ſont formés des idées imparfaites de la matiere, de ſes propriétés, de ſes combinaiſons, de ſes forces, de ſa façon d’agir ou de l’énergie qui réſulte de ſon eſſence ; dès lors tout l’univers n’eſt devenu pour eux qu’une ſcène d’illusions. Ils ont ignoré la nature, ils ont méconnu ſes loix, ils n’ont

  1. Ciceron dit eſt autem virtus nihil aliud quam in ſe perfecta & ad ſummum perducta natura. V. de Legibus I. cap.