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yons des hommes susceptibles d’apprécier en un clin d’œil une foule de circonstances & de pressentir quelquefois des événemens très éloignés ; cette espece de talens prophétiques n’a rien de surnaturel ; il indique seulement de l’expérience & une organisation très délicate qui les mettent à portée de juger avec facilité des causes & de prévoir leurs effets de très loin. Cette faculté se trouve pareillement dans les animaux, qui beaucoup mieux que les hommes pressentent les variations de l’air & les changemens du tems. Les oiseaux ont été longtems les prophetes & les guides de plusieurs nations qui se prétendoient fort éclairées.

C’est donc à leur organisation particulière exercée que nous devons attribuer les facultés merveilleuses qui distinguent quelques êtres. Avoir de l’instinct ne signifie que juger promptement & sans avoir besoin de faire de longs raisonnemens. Nos idées sur le vice & la vertu ne sont point des idées innées ; elles sont acquises comme toutes les autres, & les jugemens que nous en portons sont fondés sur des expériences vraies ou fausses qui dépendent de notre conformation & des habitudes qui nous ont modifiés. L’enfant n’a point d’idées de la divinité ni de la vertu ; c’est de celui qui l’instruit qu’il reçoit ces idées ; il en fait un usage plus ou moins prompt suivant que son organisation naturelle ou ses dispositions ont été plus ou moins exercées. La nature nous donne des jambes, la nourrice nous apprend à nous en servir, leur agilité dépend de leur conformation naturelle & de la maniere dont nous les avons exercées.

Ce que l’on appelle le goût dans les beaux arts n’est dû pareillement qu’à la finesse de nos orga-