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çon d’être, & même de pressentir leurs actions, leurs inclinations, leurs penchans, leur passion dominante, etc. Quoique la science des physionomies paroisse une chimere à bien des gens, il en est peu qui n’aient des idées nettes d’un regard attendri, d’un œil dur, d’un air austère, d’un air faux & dissimulé, d’un visage ouvert, etc. ; des yeux fins & exercés acquiérent, sans doute, la faculté de reconnoître les mouvemens cachés de l’ame aux traces visibles qu’ils laissent sur un visage qu’ils ont continuellement modifié. Nos yeux subissent sur-tout des changemens très prompts d’après les mouvemens qui s’excitent en nous ; ces organes si délicats s’altérent visiblement par les moindres secousses qu’éprouve notre cerveau. Des yeux sereins, nous annoncent une ame tranquille ; des yeux hagards nous indiquent une ame inquiete ; des yeux enflammés nous annoncent un tempérament colérique & sanguin ; des yeux mobiles nous font soupçonner une ame allarmée ou dissimulée. Ce sont ces différentes nuances que saisit un homme sensible & exercé ; & sur le champ il combine une foule d’expériences acquises pour porter son jugement sur les personnes qu’il voit. Son jugement n’a rien de surnaturel & de merveilleux ; un tel homme ne se distingue que par la finesse de ses organes & par la rapidité avec laquelle son cerveau remplit ses fonctions.

Il en est de même de quelques êtres de notre espece dans lesquels nous trouvons quelquefois une sagacité extraordinaire, qui paroit divine & miraculeuse au vulgaire[1]. En effet nous vo-

  1. Il paroit que les plus habiles praticiens dans la médecine ont été des hommes doués d’un tact très fin, semblable à celui des physionomistes, à l’aide duquel ils jugeoient très promptement des maladies & tiraient facilement leurs prognostiques.