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nous sommes agréablement ou désagréablement remués, nous recueillons des faits, nous faisons des expériences qui produisent des idées riantes ou déplaisantes dans notre cerveau : aucun de nous n’a ces expériences présentes à la mémoire ou ne s’en représente tout le fil ; ce sont pourtant ces expériences qui nous dirigent machinalement ou à notre insçu dans toutes nos actions ; c’est pour désigner la facilité avec laquelle nous appliquons ces expériences, dont souvent nous avons perdu la liaison & dont nous ne pouvons quelquefois pas nous rendre compte à nous-mêmes, que l’on a imaginé le mot instinct ; il parait l’effet d’un pouvoir magique & surnaturel à la plûpart des hommes, c’est un mot vuide de sens pour bien d’autres, mais pour le philosophe c’est l’effet d’un sentiment très vif & il consiste dans la faculté de combiner promptement une foule d’expériences & d’idées très compliquées. C’est le besoin qui fait l’instinct inexplicable que nous voyons dans les animaux, que l’on a sans raison privés d’une ame, tandis qu’ils sont susceptibles d’une infinité d’actions, qui prouvent qu’ils pensent, qu’ils jugent, qu’ils ont de la mémoire, qu’ils sont susceptibles d’expérience, qu’ils combinent des idées, qu’ils les appliquent avec plus ou moins de facilité pour satisfaire les besoins que leur organisation particulière leur donne, enfin qu’ils ont des passions & qu’ils sont capables d’être modifiés.[1]

On sçait les embarras que les animaux ont don-

  1. C’est le comble de la folie de refuser les facultés intellectuelles aux animaux, ils sentent, ils ont des idées, ils jugent & comparent, ils choisissent & déliberent, ils ont de la mémoire, ils montrent de l’amour & de la haine & souvent leurs sens sont bien plus fins que les nôtres. Les poisons se rendent périodiquement à l’endroit où l’on est dans l’usage de leur jetter du pain.