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qu’il l’avoit été durant la veille ; en conséquence de ces mouvemens peu réglés, le cerveau lui-même est troublé, il ne se représente ses idées que confusément & sans liaison. Lorsqu’en rêve je crois voir un sphinx, ou j’en ai vu la représentation éveillé, ou bien l’irrégularité des mouvemens de mon cerveau est cause qu’il combine des idées ou des parties dont il résulte un tout sans modele, ou dont les parties ne sont pas faites pour être réunies. C’est ainsi que mon cerveau combine la tête d’une femme dont il a l’idée, avec le corps d’une lionne dont il a pareillement l’idée. En cela ma tête agit de la même maniere que lorsque par quelque vice dans l’organe mon imagination déréglée me peint quelques objets tandis que je suis éveillé. Nous rêvons souvent sans être endormis : nos songes ne produisent jamais rien de si étrange qui n’ait quelque ressemblance avec des objets qui ont agi sur nos sens ou qui ont porté des idées à notre cerveau. Les théologiens éveillés ont composé à loisir les phantômes dont ils se servent pour effrayer les hommes ; ils n’ont fait que rassembler les traits épars qu’ils ont trouvés dans les êtres les plus terribles de notre espece ; en exagérant le pouvoir & les droits des tyrans que nous connoissons, ils en ont fait les dieux devant qui nous tremblons.

On voit donc que les songes, loin de prouver que notre ame agisse par sa propre énergie, ou tire des idées de son propre fond, prouvent au contraire que dans le sommeil elle est totalement passive & qu’elle ne se renouvelle ses modifications que d’après le désordre involontaire que des causes physiques produisent dans notre corps, dont tout nous montre l’identité & la consubstantialité