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ont donc cru que l’ame par un privilège spécial jouissoit, dans une nature où tout est lié, de la faculté de se mouvoir d’elle-même, de se créer des idées, de penser à quelque objet sans y être déterminée par aucune cause extérieure, qui en remuant ses organes lui fournit l’image de l’objet de ses pensées. En conséquence de ces prétentions, qu’il suffit d’exposer pour les réfuter, quelques spéculateurs très habiles, mais prévenus de leurs préjugés religieux, ont été jusqu’à dire que sans modele ou prototype qui agit sur ses sens, l’ame étoit en état de se peindre l’univers entier & tous les êtres qu’il renferme. Descartes & ses disciples ont assûré que le corps n’entroit absolument pour rien dans les sensations ou idées de notre ame, & qu’elle sentiroit, verroit, entendroit, goûteroit & toucheroit, quand même il n’existeroit rien de matériel ou de corporel hors de nous.

Que dirons-nous d’un Berkekey, qui s’efforce de nous prouver que tout dans ce monde n’est qu’une illusion chimérique ; que l’univers entier n’existe que dans nous-mêmes & dans notre imagination, & qui rend l’existence de toutes choses problématique à l’aide de sophismes insolubles pour tous ceux qui soutiennent la spiritualité de l’ame[1].

Pour justifier des opinions si monstrueuses on nous dit que les idées sont les seuls objets de la

  1. Voyez les entretiens de Hylas & de Philonoüs. Cependant on ne peut nier que l’idée extravagante de l’évêque de Cloyne. ainsi que le systéme du P. Malebranche, (qui voyoit tout en Dieu, ce qui soutenoit les idées innées) ne se lient très bien avec la notion extravagante de la spiritualité de l’ame. Les théologiens ayant imaginé une substance tout-à-fait hétérogène au corps de l’homme, à laquelle ils ont fait honneur de toutes les pensées, le corps est devenu superflu ;