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CHAPITRE. X.

Notre ame ne tire point ses idées d’elle-même. Il n’y a point d’idées innées.

Tout ce qui précède suffit pour nous prouver que l’organe intérieur, que nous apellons notre ame est purement matériel. On a pu se convaincre de cette vérité par la maniere dont elle acquiert ses idées d’après les impressions que les objets matériels font successivement sur nos organes, matériels eux-mêmes ; nous avons vu que toutes les facultés que l’on nomme intellectuelles, sont dues à la faculté de sentir ; enfin nous venons d’expliquer d’après les loix nécessaires d’un méchanisme très simple les différentes qualités des êtres que l’on nomme moraux ; il nous reste encore à répondre à ceux qui s’obstinent à faire de l’ame une substance distinguée du corps ou d’une essence totalement différente de la sienne ; ils se fondent sur ce qu’ils prétendent que cet organe intérieur a le pouvoir de tirer des idées de son propre fond ; ils veulent que même en naissant l’homme apporte des idées, qu’ils ont appellées innées d’après cette notion merveilleuse[1]. Ils

  1. Quelques anciens philosophes se sont imaginés que l’ame contenoit originairement les principes de plusieurs notions ou doctrines : c’est ce que les Stoïciens appelloient prolepses, & les mathématiciens grecs Κοινὰς Ἐννοίας. Scaliger les nomme Zopyra, semina æternitatis. Les Juifs ont une doctrine semblable qu’ils ont empruntée des Chaldéens : leurs Rabbins enseignent que chaque ame, avant d’être unie à la semence qui doit former un enfant dans la matrice d’une femme, est confiée à un Ange, qui lui fait voir & le ciel, & la terre, & l’enfer ; le tout à l’aide d’une lampe qui s’éteint des que l’enfant vient au monde, v. Gaulmin, de vita et morte Mosis.