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triompher insolemment du mérite qu’il dédaigne & de la vertu qu’il outrage ? Eh bien ; dans des sociétés ainsi constituées la vertu ne peut être écoutée que d’un petit nombre de citoyens paisibles qui connoissent son prix & en jouissent en secret ; elle n’est qu’un objet déplaisant pour les autres, qui ne voient en elle que l’ennemie de leur bonheur, ou la censure de leur propre conduite.

Si l’homme d’après sa nature, est forcé de desirer son bien-être, il est forcé d’en aimer les moyens ; il seroit inutile & peut-être injuste de demander à un homme d’être vertueux s’il ne peut l’être sans se rendre malheureux. Dès que le vice le rend heureux, il doit aimer le vice ; dès que l’inutilité ou le crime sont honorés & récompensés, quel intérêt trouveroit-il à s’occuper du bonheur de ses semblables, ou à contenir la fougue de ses passions ? Enfin dès que son esprit s’est rempli d’idées fausses & d’opinions dangereuses, il faut que sa conduite devienne une longue suite d’égaremens & d’actions dépravées.

On nous dit que des sauvages pour applatir la tête de leurs enfans la serrent entre deux planches, & l’empêchent par là de prendre la forme que la nature lui destinoit. Il en est à-peu-près de même de toutes nos institutions ; elles conspirent communément à contrarier la nature, à gêner, détourner, à amortir les impulsions qu’elle nous donne, à leur en substituer d’autres qui sont les sources de nos malheurs. Dans presque tous les pays de la terre les peuples sont privés de la vérité, sont repûs de mensonges ou de merveilleuses chimeres ; on les traite comme ces enfans dont les membres, par les soins imprudens de leurs