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général ; nous renoncerons à cette vertu, qui ne sera plus pour nous qu’une vaine idole que nous ne serons point tentés de suivre ou d’adorer quand elle exigera qu’on lui immole les objets que l’on nous a constamment fait regarder comme les plus chers & les plus désirables.

Pour que l’homme fût vertueux, il faudroit qu’il eût intérêt, ou qu’il trouvât des avantages à pratiquer la vertu. Il faudroit pour cela que l’éducation lui donnât des idées raisonnables que l’opinion publique & l’exemple lui montrassent la vertu comme l’objet le plus digne d’estime ; que le gouvernement la récompensât fidélement, que la gloire l’accompagnât toujours, que le vice ou le crime fussent constamment méprisés & punis. La vertu est-elle donc dans ce cas parmi nous ? L’éducation nous donne-t-elle des idées bien vraies sur le bonheur, des notions justes sur la vertu, des dispositions vraiment favorables pour les êtres avec qui nous vivons ? Les exemples que nous avons sous les yeux sont-ils bien propres à nous faire respecter la décence, la probité, la bonne foi, l’équité, l’innocence des mœurs, la fidélité conjugale, l’exactitude à remplir nos devoirs ? La religion, qui seule prétend régler nos mœurs, nous rend-elle sociables, pacifiques, humains ? Les arbitres des sociétés sont-ils bien fidéles à récompenser ceux qui servent le mieux leur patrie, & à punir ceux qui la pillent, la divisent, la ruinent. La justice tient-elle sa balance d’une main bien sûre entre tous les citoyens ? Les loix ne favorisent-elles pas le puissant contre le foible, le riche contre le pauvre, l’heureux contre le misérable ? Enfin ne voyons-nous pas le crime, souvent justifié ou couronné par le succès,