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C’est l’habitude qui nous attache soit au vice soit à la vertu[1].

Nous sommes tellement modifiés par l’habitude que souvent on la confond avec notre nature ; de là, comme nous verrons bientôt, ces opinions ou ces idées que l’on a nommées innées, parce qu’on n’a pas voulu remonter à la source qui les avoit comme identifiées avec notre cerveau. Quoiqu’il en soit nous tenons très-fortement à toutes les choses auxquelles nous sommes habitués ; notre esprit éprouve une sorte de violence ou de révulsion incommode toutes les fois qu’on veut lui faire changer le cours de ses idées ; une pente fatale l’y ramène souvent en dépit de la raison.

C’est par un pur méchanisme que nous pouvons expliquer les phénomènes tant physiques que moraux de l’habitude ; notre ame, malgré sa prétendue spiritualité, se modifie tout comme le corps. L’habitude fait que les organes de la voix apprennent à exprimer promptement les idées consignées dans le cerveau par le moyen de certains mouvemens que dans l’enfance notre langue acquiert le pouvoir d’exécuter avec facilité. Notre langue une fois habituée ou exercée à se mouvoir d’une certaine maniere, a beaucoup de peine à se mouvoir d’une autre, le gosier prend difficilement les inflexions qu’exigeroit un langage différent de celui auquel nous sommes accoutumés. Il en est de même de nos idées ; notre cerveau, no-

  1. L’expérience nous prouve qu’un premier crime coute toujours plus qu’un second, celui-ci qu’un troisieme, & ainsi de fuite. Une premiere action est le commencement d’une habitude ; à force de combattre les obstacles qui nous détournent de commettre des actions criminelles, nous parvenons à les vaincre avec plus de facilité. C’est ainsi que l’on devient souvent méchant par habitude.