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moyens propres à rendre heureux les êtres avec qui nous vivons, afin de les déterminer à nous rendre heureux nous-mêmes ; nos obligations envers nous-mêmes sont la nécessité de prendre les moyens sans lesquels nous ne pourrions nous conserver ni rendre notre existence solidement heureuse. La morale est, comme l’univers, fondée sur la nécessité ou sur les rapports éternels des choses.

Le bonheur, est une façon d’être dont nous souhaitons la durée ou dans laquelle nous voulons persévérer. Il se mesure par sa durée & sa vivacité. Le bonheur le plus grand est celui qui est le plus durable ; le bonheur passager ou de peu de durée s’appelle plaisir ; plus il est vif & plus il est fugitif, parce que nos sens ne sont susceptibles que d’une certaine quantité de mouvemens ; tout plaisir qui l’excède se change dès lors en douleur ou en une façon pénible d’exister, dont nous desirons la cessation : voilà pourquoi le plaisir & la douleur se touchent souvent de si près. Le plaisir immodéré est suivi de regrets, d’ennuis & de dégoûts ; le bonheur passager se convertit en un malheur durable. D’après ce principe l’on voit que l’homme qui dans chaque instant de sa durée cherche nécessairement le bonheur, doit, quand il est raisonnable, ménager ses plaisirs, se refuser tous ceux qui pourroient se changer en peine, & tâcher de se procurer le bien-être le plus permanent.

Le bonheur ne peut être le même pour tous les êtres de l’espece humaine ; les mêmes plaisirs ne peuvent affecter également des hommes diversement conformés & modifiés. Voilà, sans doute