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ou de nous procurer ceux qui sont utiles à la conservation de notre être & à sa félicité, seul but de toutes nos actions soit corporelles soit mentales, constitue ce qu’en un mot on désigne sous le nom de raison. Le sentiment, notre nature, notre tempérament peuvent nous égarer & nous tromper, mais l’expérience & la réflexion nous remettent dans le bon chemin, & nous apprennent ce qui peut véritablement nous conduire au bonheur. D’où l’on voit que la raison est notre nature modifiée par l’expérience, le jugement & la réflexion : elle suppose un tempérament modéré, un esprit juste, une imagination réglée, la connoissance de la vérité fondée sur des expériences sûres, enfin de la prudence & de la prévoyance ; ce qui nous prouve que, quoiqu’on nous répète tous les jours que l’homme est un être raisonnable, il n’y a qu’un très petit nombre d’individus de l’espece humaine qui jouissent réellement de la raison ou qui aient les dispositions & l’expérience qui la constituent.

N’en soyons point surpris ; il est peu d’hommes en état de faire des expériences vraies ; tous apportent en naissant des organes susceptibles d’être remués ou d’amasser des expériences, mais soit par le vice de leur organisation, soit par les causes qui la modifient, leurs expériences sont fausses, leurs idées sont confuses & mal associées, leurs jugemens sont erronés, leur cerveau se remplit de systêmes vicieux qui influent nécessairement sur toute leur conduite, & troublent continuellement la raison.

Nos sens, comme on a vu, sont les seuls moyens que nous ayons de connoître si nos opinions