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les conviennent : c’est alors que l’imagination nous plait, c’est alors que nous approuvons ses fictions, & qu’elle embellit la nature & la vérité ; nous la blâmons au contraire lorsqu’elle nous peint des phantômes désagréables ou lorsqu’elle combine des idées qui ne sont point faites pour s’associer. C’est ainsi que la poësie, faite pour rendre la nature plus touchante, nous plait quand elle orne les objets qu’elle nous offre de toutes les beautés qui peuvent leur convenir, elle en fait alors des êtres idéaux ; mais qui nous remuent agréablement & nous pardonnons à l’illusion qu’on nous fait en faveur du plaisir qu’on nous cause. Les hideuses chimeres de la superstition nous déplaisent, parce qu’elles ne sont que les produits d’une imagination malade qui ne réveille en nous que des idées affligeantes.

L’imagination, quand elle s’égare, produit le fanatisme, les terreurs religieuses, le zele inconsidéré, des phrénésies, les grands crimes. L’imagination réglée produit l’enthousiasme pour les choses utiles, la passion forte pour la vertu, l’amour de la patrie, la chaleur de l’amitié, en un mot elle donne de l’énergie & de la vivacité à tous nos sentimens ; ceux qui sont privés d’imagination sont communément des hommes en qui le flegme éteint le feu sacré qui est en nous le principe de la mobilité, de la chaleur du sentiment, & qui vivifie toutes nos facultés intellectuelles. Il faut de l’enthousiasme pour les grandes vertus ainsi que pour les grands crimes. L’enthousiasme met notre cerveau ou notre ame dans un état semblable à celui de l’ivresse ; l’un & l’autre excitent en nous des mouvemens rapides que les hommes approuvent quand il en résulte du