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humaine. Nous disons d’un homme en qui les sons de la musique excitent un grand plaisir ou produisent des effets très marqués, qu’il a l’oreille sensible. Enfin nous disons d’un homme dans lequel, l’éloquence, les beautés des arts, tous les objets qui le frappent excitent des mouvemens très vifs, qu’il a l’ame sensible[1].

L’esprit est une suite de cette sensibilité physique. En effet nous appellons esprit une facilité que quelques êtres de notre espece ont de saisir avec promptitude l’ensemble & les différens rapports des objets. Nous appellons génie la facilité de saisir cet ensemble & ces rapports dans les objets vastes, utiles, difficiles à connoître. L’esprit peut être comparé à une vue perçante qui apperçoit les choses promptement ; le génie est une vue qui saisit d’un coup d’œil tous les points d’un horison étendu. L’esprit juste est celui qui apperçoit les objets & les rapports tels qu’ils sont : l’esprit faux est celui qui ne saisit que de faux rapports, ce qui vient de quelque vice dans l’organisation. L’esprit juste est une faculté qui ressemble à l’adresse dans la main.

L’imagination étant la facilité de combiner avec promptitude des idées ou des images ; elle consiste dans le pouvoir de reproduire aisément les modifications de notre cerveau & de les lier ensemble ou de les attacher à des objets auxquels el-

  1. On voit que la compassion dépend de la sensibilité physique qui n’est jamais la même dans tous les hommes ; on a donc eu tort de faire de la compassion la source de nos idées de morale & des sentimens que nous éprouvons pour nos semblables. Non seulement tous les hommes ne sont point sensibles, maïs encore il y en a beaucoup en qui la sensibilité n’a point été développée, tels sont les Princes, les grands, les riches, &c.