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Quoique le mot esprit soit fort ancien parmi les hommes, le sens qu’on y attache est nouveau, & l’idée de la spiritualité qu’on admet aujourd’hui est une production récente de l’imagination. Il ne paroit point en effet que Pythagore ni Platon, quelqu’ait été d’ailleurs la chaleur de leur cerveau & leur goût pour le merveilleux, aient jamais entendu par un esprit une substance immatérielle ou privée d’étendue, telle que celle dont les modernes ont composé l’ame humaine & le moteur caché de l’univers. Les anciens par le mot esprit ont voulu désigner une matiere très subtile & plus pure que celle qui agit grossiérement sur nos sens. En conséquence les uns ont regardé l’ame comme une substance aërienne, les autres en ont fait une matiere ignée ; d’autres l’ont comparée à la lumiere. Démocrite la faisoit consister dans le mouvement & par conséquent il en faisoit un mode. Aristoxène, musicien lui-même, en fit une harmonie. Aristote a regardé l’ame comme une force motrice de laquelle dépendoient les mouvemens des corps vivans.

Il est évident que les premiers docteurs du christianisme[1] n’ont eu pareillement de l’ame que des idées matérielles ; Tertullien, Arnobe, Clément d’Alexandrie, Origene, Justin, Irenée etc. En ont parlé comme d’une substance corporelle. Ce fut à leurs successeurs qu’il étoit réservé de faire longtems après de l’ame humaine & de

  1. Selon Origene ΑΣΩΜΑΤΟΣ incorporeus, épithete qu’on donne à Dieu, signifie une substance plus subtile que celle des corps grossiers. Tertullien dit positivement, quis autem negabit Deum esse corpus, etsi Deus spiritus ? Le même Tertullien dit Nos autem animam corporalem & hic profitemur, & in suo volumine probamus, habentem proprium genus substantiæ, solidatis, per quam quid & sentire & pati possit. V. de resurrectione Carnis.