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être actuel n’es-tu pas soumis à des altérations continuelles ? Toi qui dans ta folie prends arrogamment le titre de roi de la nature ! Toi qui mesures & la terre & les cieux ! Toi, pour qui ta vanité s’imagine que le tout a été fait, parce que tu es intelligent, il ne faut qu’un léger accident, qu’un atôme déplacé, pour te faire périr, pour te dégrader, pour te ravir cette intelligence dont tu parois si fier !

Si l’on se refusoit à toutes les conjectures précédentes, & si l’on prétendoit que la nature agit par une certaine somme de loix immuables & générales ; si l’on croyoit que, l’homme, le quadrupede, le poisson, l’insecte, la plante, & sont de toute éternité & demeurent éternellement ce qu’ils sont ; si l’on vouloit que de toute éternité les astres eussent brillé au firmament ; si l’on disoit qu’il ne faut pas plus demander pourquoi l’homme est tel qu’il est, que demander pourquoi la nature est telle que nous la voyons, ou pourquoi le monde existe, nous ne nous y opposerons pas. Quelque soit le systême qu’on adopte, il répondra peut-être également bien aux difficultés dont on s’embarasse, & considérées de près on verra qu’elles ne font rien aux vérités que nous avons posées d’après l’expérience. Il n’est pas donné à l’homme de tout sçavoir ; il ne lui est pas donné de connoître son origine ; il ne lui est pas donné de pénétrer dans l’essence des choses ni de remonter aux premiers principes ; mais il lui est donné d’avoir de la raison, de la bonne foi, de convenir ingénuement qu’il ignore ce qu’il ne peut sçavoir & de ne point substituer des mots inintelligibles & des suppositions absurdes à ses incertitudes. Ainsi nous dirons à ceux qui, pour tran-