Page:Hoffmann - Le Pot d’or.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais Véronique ne pouvait répondre, bien qu’il lui semblât que des figures confuses se mouvaient ensemble dans le chaudron, et ces figures devenaient de plus en plus distinctes. Tout d’un coup l’étudiant Anselme en sortit avec un visage riant et en lui tendant les mains. Alors elle s’écria :

— Ah ! Anselme ! Anselme !…

Aussitôt la vieille ouvrit un robinet qui se trouvait au chaudron, et le métal en feu s’élança en sifflant et en craquant dans une petite forme qu’elle venait de poser là.

Alors la vieille sauta en l’air et coassa en faisant des gestes hideux :

— L’œuvre est accomplie ! Je te remercie, ma fille, tu as veillé… Hui ! hui ! il vient ! Mors-le à mort, mors-le à mort !

Mais il s’éleva dans l’air un bruit terrible ; on aurait cru entendre le bruit du battement des ailes d’un aigle immense, et une voix épouvantable cria :

— Eh ! eh ! vous, racailles, c’est fini, c’est fini, rentrez !

La vieille se jeta à terre en hurlant ; mais Véronique perdit connaissance.

Lorsqu’elle revint à elle il était grand jour ; elle était couchée dans son lit, et Francine était debout devant elle, une tasse de thé fumant à la main, et lui disait :

— Mais, dis-moi, sœur, qu’as-tu donc ? Il y a déjà plus d’une demi-heure que je suis là devant toi. Tu pleures, tu gémis dans le délire de la fièvre, et tu nous as tous rendus bien inquiets. Aujourd’hui le père n’a pas été à sa classe à cause de toi, et il va rentrer à l’instant avec le docteur.

Véronique prit le thé sans rien dire. Pendant qu’elle le buvait, les affreux tableaux de la nuit se présentaient devant ses yeux.

— Tout ceci, se disait-elle, n’est-il donc qu’un rêve qui m’a tourmentée ? Mais je suis allée réellement hier chez la vieille et c’était bien le 23 septembre. Cependant je suis malade depuis hier, et je me suis imaginé tout ceci. Rien autre chose ne m’a fait mal que l’éternelle pensée d’Anselme et de cette vieille femme étrange qui s’est donnée pour la vieille Lise, et qui s’est aussi moquée de moi.

Francine, qui venait de sortir, revint tenant à la main le manteau de Véronique tout traversé d’eau.

— Vois, sœur, dit-elle, ce qui est arrivé à ton manteau. L’orage pendant la nuit a ouvert la fenêtre et renversé la chaise sur laquelle il était placé, et il a tant plu à l’intérieur qu’il a été inondé.

Mais Véronique eut le cœur serré, car elle vit que ce n’était pas un songe qui l’avait tourmentée, mais qu’elle avait été bien réellement trouver la vieille. Alors elle fut saisie d’effroi et le frisson de la fièvre fit trembler tous ses membres. Dans ce tremblement convulsif elle tira la couverture sur elle ; mais sa poitrine éprouva l’impression d’un corps dur, et lorsqu’elle y porta la main elle sentit comme un